Imaginez deux arbres. Plantés côte à côte, leurs racines peuvent s'entremêler délicatement, s'offrant un soutien mutuel face aux vents et aux tempêtes de la vie. Leurs branches peuvent s'enlacer, créant des zones d'ombre bienveillantes où chacun trouve refuge. Mais imaginez si l'un des arbres, par peur de la solitude ou par une soif insatiable d'être nourri, enserrait l'autre au point de l'étouffer, de l'empêcher de capter sa propre lumière, de déployer ses propres feuilles. L'amour, dans sa plus pure essence, n'est-il pas une danse dans laquelle deux individualités se rencontrent, se reconnaissent et s'enrichissent mutuellement, sans jamais perdre la saveur unique de leur propre existence ?
Comment s'aimer au sein du couple sans se perdre soi-même ?
Combien de relations s'étiolent lentement, non pas par manque d'amour, mais par une confusion insidieuse entre aimer et fusionner ? La peur de perdre l'autre peut nous pousser à tisser des liens si serrés qu'ils en deviennent des chaînes. On bride ses propres désirs, on met de côté ses passions, on attend de l'autre qu'il comble toutes nos aspirations, qu'il devine nos silences, qu'il panse toutes nos blessures. Mais n'est-ce pas là une charge trop lourde à porter pour une seule personne ? Et n'est-ce pas, paradoxalement, le meilleur moyen de voir l'autre s'éloigner, étouffé par cette attente immense ?
Développer son autonomie au sein du couple, ce n'est pas ériger des murs, mais plutôt cultiver son propre jardin intérieur. C'est continuer à nourrir ses amitiés, à explorer ses centres d'intérêt, à se fixer des objectifs personnels. C'est oser avoir des opinions différentes, des moments de solitude choisis, des espaces dans lesquels l'on se reconnecte à soi, loin du regard de l'autre. Car comment offrir le meilleur de soi si l'on se sent vidé, incomplet, dépendant du regard et de l'approbation de l'autre pour exister ?
L'autonomie n'est pas l'opposé de l'intimité, elle en est au contraire le terreau fertile. Deux êtres qui s'épanouissent individuellement ont tellement plus à partager, à offrir, à découvrir l'un chez l'autre. Leurs retrouvailles sont alors des moments de joie pure, de partage authentique, et non une nécessité anxieuse de se sentir exister à travers le lien.
Alors, je vous invite, à vous poser quelques questions, comme des graines que l'on sème en soi :
- Quelle est la part de mes désirs et de mes aspirations que j'ai mise de côté au nom de ma relation ?
- Qu'est-ce qui me fait vibrer en dehors de mon couple ? Est-ce que je me permets de cultiver ces passions ?
- Ai-je parfois tendance à attendre de mon partenaire qu'il comble un vide intérieur qui m'appartient en réalité ?
- Comment puis-je encourager l'autonomie de mon partenaire tout en me sentant aimé et soutenu ?
- Nos moments de solitude sont-ils vécus comme une menace ou comme une respiration nécessaire à notre équilibre individuel et conjugal ?
Cheminer vers plus d'autonomie au sein du couple est un voyage parfois semé d'embûches, car cela demande de confronter nos propres peurs et nos schémas relationnels anciens. Mais c'est un voyage profondément libérateur, qui permet à l'amour de s'épanouir dans un espace de respect mutuel, de liberté et d'authenticité. Un amour qui ne cherche pas à posséder, mais à célébrer la beauté unique de l'être aimé, tout en continuant à faire fleurir sa propre singularité.
Jérémie Bessard
Thérapeute de couple et Sexothérapeute
